lundi 22 avril 2013

La transat


Bon allez pas de repos éternel, nos lecteurs attendent de nos nouvelles mais je vous l’avoue, pas facile de prendre l’ordinateur pour écrire, essayez d’imaginer les plages de sable blanc, les cocotiers, le soleil, la mer à 28°... Non ce n’est pas une carte postale mais notre nouvel environnement de vie !
Depuis notre arrivée en Martinique un seul mot d’ordre  « tranquille » mais choses promises choses dues, voici enfin le détail de notre Transat avec beaucoup de retard!!!
Heureusement que nous avons notre journal de bord pour se remémorer les événements survenus au cours de nos 17 jours et 18 heures de navigation qui nous ont permis d'avaler intensément les 2162 miles entre Mindelo au Cap-Vert et le Marin en Martinique...

1° jour: Samedi 16 février 2013, dernier plein d'eau, derniers rangements des produits frais achetés la veille, quelques pas sur le quai de Mindelo avec nos amis Caro, Fred, Oceane et Jade le temps de sortir la poubelle, un dernier mail et .... Il est 11h45, j'ai faim, je m'octroie une bonne salade bien amarrée et à plat... On gagne 3/4 d'heure avant Le Départ!
12h45: ça y est, on largue les amarres non sans un pincement au coeur et aussi une certaine appréhension face à l'inconnu qui nous attends, un dernier "au revoir" à Tahaa et c'est parti! 30 nds de vent, la 1° vague du canal et nous voilà baptisés et mouillés...
Une fois sortis du canal entre Sao Vincente et Santo Antao, la mer et le vent se calment, nous en profitons pour mettre le Pilote Auto qui est censé être réparé... En effet ce dernier nous avait sournoisement lâché avant notre arrivée au Cap-Vert, ce qui nous avait contraint à nous relayer à la barre toutes les 2h sans pouvoir la lâcher, et ce pendant 36h, ce qui nous avait donné un avant-goût de l"Enfer"... Donc nous mettons le Pilote et 15 secondes plus tard patatras, plus de pilote!!! Inutile de vous décrire notre colère, le pilote sort de réparation et il n'est pas du tout réparé! On se retourne, Mindelo n'est pas loin, on retournerait bien s'expliquer avec le représentant Raymarine, mais un retour au prés avec 30nds de vent face à 3m de creux calme nos ardeurs... Heureusement que nous avions acheté un Pilote neuf de secours, qui donc ne sera plus de secours! Donc à partir de maintenant la règle c'est de barrer le plus possible pour soulager le Pilote car on a besoin qu'il tienne jusqu'en Martinique... C'est le monde à l'envers! Merci le "made in China or Hungria"!!!!!
1h plus tard, il n'y a quasiment plus de vent et de face en plus, nous sommes obligés de mettre le moteur pour sortir de l'emprise des îles...Les débuts sont difficiles! Heureusement 1h30 plus tard le vent s'établit, Cap au 250 en vent arrière avec 20 à 25 nds de vent apparent et une mer croisée assez agitée, ce qui nous permet de parcourir 132 miles en 24h, une excellente moyenne pour Mangaïa qui nous redonne le sourire...

 2° jour: la vie à bord s'organise, quand l'un est allongé, l'autre se nourrit de pain, c'est à se demander pourquoi nous avons acheté tant de nourriture!!! Il faut dire qu'entre la panne du pilote et son remplacement plus la remise en place du "hamac à légumes" qui n'a pas tenu 1h en place et a étalé ses marchandises dans la cabine arrière, nous avons dû faire beaucoup d'efforts, pliés en deux et dans un espace confiné, et nous sommes passés de "Biens" à "nauséeux"!!!
Cap au 240-250 pour essayer d'éviter la forte houle, vent entre 12 et 20 nds, houle entre 2 et 3m, ça ballotte sur Mangaïa mais on avance bien sous génois seul, 126 miles en 24h...
Pour Caro c'est la journée la plus dure, avec une fatigue constante et engluante avec migraine et mal de dents, mais il faut faire ses quarts alors on planifie... 18-22h: Benoit 22-02h: Caro 02-06h: Benoit 06-10h: Caro (sauf que je n'arriverai jamais à me lever avant le lever du jour vers 06h30!!!) et ensuite toutes les 2h à notre convenance, soit on barre soit on dort, qui a dit que c'était magique la traversée de l'Atlantique?!

3° jour: 131 miles parcourus, 3° jour de grisaille mais on commence à s'acclimater, Caro est passée du pain aux carottes râpées!!!

4°jour: Enfin du ciel bleu l'après-midi, 125 miles, la houle se calme 1m à 1,5m, on met les voiles en ciseaux, on voit notre 1° Paille en Queue, un bel oiseau blanc avec une très longue plume... Caro a enfin trouvé le grillon chanteur caché sous le lit, il ne nous empêchera plus de dormir!
5° jour: 129 miles, il fait grand beau, nous en profitons pour prendre notre 1° douche d'eau de mer, rien de tel que ces seaux d'eau pour se rafraîchir,  à 18h cargo en vue à 6 miles...

6° jour: 127 miles, les voiles sont en ciseaux depuis hier 14h mais à midi on repasse sous génois seul, la houle est pourrie, nous sommes ballottés dans tous les sens, des croques-monsieurs en guise de repas... 1° fuseau horaire passé, on change d'heure donc pour nous une journée de 25h!!! Il commence à faire chaud même la nuit, on troque la veste de quart pour le coupe-vent... 22h, un cargo au large...

7° jour: fin de notre 1° semaine de navigation! Le rythme est moins difficile, juste le 1° 1/4 d'heure de réveil reste abominable... Ce matin jour et soleil levés à 7h, ça sent les Caraïbes!
Juste un t-shirt à manches longues, plus de polaire ni de veste c'est appréciable! Aujourd'hui nous nous sentons "prêts" à pêcher (à préparer, cuisiner et manger le poisson!!!)... 1h après Benoit remonte une très belle dorade coryphène, quant à caro elle tente un gâteau au yaourt agrémenté de bananes (elles mûrissent très vite!) mais avec tentative de cuisson à la cocotte-minute... Bof, un peu brûlé dessous et pas très cuit au dessus, nourrissant mais pas concluant!Le vent baisse considérablement en fin de journée, 12à 14 nds, la houle aussi, seulement 114 miles en 24h! Le soir régal de poisson et 1° nuit de quart sans chaussettes pour Caro, c'est un événement!!!

8° jour:Il y a une semaine nous quittions Mindelo, 884 miles parcourus déjà (ou seulement!), 5 à 5,5nds de moyenne... Aujourd'hui le calme se poursuit, 6 à 10nds de vent, à 10h on sort le spi... il restera en place pendant 38H!!! 
La mer est d'huile, à midi nous croisons un cachalot, ce sera le seul mammifère marin rencontré de toute la traversée! Le soir le couple de paille en queue vient nous saluer en tournant autour du bateau, c'est un rituel quotidien! Il fait très chaud, l'eau est à 27°, on en profite à coup de seau pour se rafraîchir et se laver, un vrai bonheur! Benoit ré-installe le bimini (que nous avions enlevé après Gibraltar) de nouveau indispensable pour se protéger du soleil... La nuit est aussi calme que la journée, plus de chaussettes, plus de vêtements de quart, très agréable! Notre corps semble s'être habitué aux 6h de sommeil en 2 phases (4h + 2h) plus une petite sieste l'après-midi parfois...

9° jour: à 10h50 1000 miles de parcourus depuis Mindelo!!!!! Le GPS nous en annonce 1133 de plus jusqu'à destination.... Que c'est calme, le léger bruit de l'eau contre la coque, le frémissement du vent, l'horizon à perte de vue, on est comme une bulle au milieu de l'immensité, l'air est doux, le vent caressant,, Mangaïa vogue tranquillement sous spi, aujourd'hui nous avons une belle houle, longue, tellement longue que l'on ne sent pas ses 4 ou 5m, on les imagine quand au creux de la vague on ne distingue pas la vague suivante... Calme et reposant! Mais un bateau restant un bateau, cette plénitude est émaillée par notre pompe à eau douce qui déclare forfait, made in China?!... Benoit la remplace par l'ancienne, et nous prions pour que cette dernière tienne jusqu'à l'arrivée...

10° jour: Les jours se suivent et se ressemblent plus ou moins, aujourd'hui la houle croisée est de retour, c'est nettement moins agréable et nettement plus fatiguant voir exaspérant! cette nuit la poulie d'écoute de spi tribord a lâché, elle était d'origine elle est toute excusée... Fin de journée super départ de ligne au bout de la canne à pêche, Benoit s'installe et après 45 mn de combat on découvre un bel espadon...eh oui nous n'y croyons pas non plus! Au bout de la ligne au cul du bateau, il ne nous reste qu'à le remonter, quand d'un coup dans un dernier sursaut il se débat et là catastrophe... Il casse la ligne et s'échappe... déception, apitoiement et regret pour cette belle prise! Nous mangerons du thon en boite ce soir!!!

11° jour: à midi le GPS nous annonce qu'il ne nous reste que 1000 miles à parcourir, ouahou!!! c'est aussi le début de la période noire en matière de pêche, nous perdons "balthazar" notre appât fétiche, sectionné net par une puissante mâchoire après un départ très vif, requin?!
Nous sommes accompagnés dans l'après-midi par de curieuses bonites sauteuses, en effet celles-ci se prennent pour des dauphins, elles filent à l'étrave, font des bonds extraordinaires, et nous distraient pendant quelques heures tout en ignorant superbement notre canne à pêche, pas folles les "Daunites" ou "bophins" comme on les appelle!

12° jour: C'est toujours l'alternance entre les voiles en ciseaux et le spi au grès des trop récurrents changements de vent... Qui a dit que les alizés étaient des vents établis et constants?!
2° changement d'heure, encore une journée de 25h!

13° jour: lever de soleil impressionnant à 7h avec un ciel tout rose et des nuages qui forment un cercle autour de nous, comme une auréole, c'est le "paradis" dans le ciel mais l'"enfer" sur l'eau, la mer est de nouveau bordélique à souhait... c'est quand qu'on arrive?! Bah dans 5 jours à peu près...

14° jour: les jours succèdent aux nuits que nous trouvons longues, la première pensée que nous ayons à la prise de quart c'est "vivement dans 4h que je puisse enfin dormir un peu (4h!)"... Aujourd'hui c'est notre GPS qui casse la routine, lui aussi en a un peu marre, il est tout chaud et ne nous donne plus de position... Nous le mettons au repos quelques jours et travaillons avec celui de secours, courage plus que 520 miles!!!
Nous perdons une fois de plus un leurre, il doit il y avoir un poisson collectionneur au fond!
Benoit voit une drôle de chose passer juste derrière le bateau, comme un dauphin sans être un dauphin, plutôt un requin!

15° jour: RAS, la routine, l'alternance des quarts, et des repas que nous prenons rarement ensemble, nous sommes décalés de 4h et en plus en navigation nous n'avons pas souvent envie des mêmes choses... La transat en couple ça donne un coup à la supposée et nécessaire convivialité des repas en équipage!!! Pour Caro une journée avec une grosse fatigue et l'incapacité de s'endormir, lassitude ou approche de l'arrivée?! de plus nous sommes en mode lessivage-essorage, à droite à gauche, la houle croisée nous ballotte!!!

16° jour: plus que 300 miles... On croise 3 pétroliers aujourd'hui, dont un avec qui une conversation s'engage entre caro et le Radio du bord... Après un "Good Morning" d'introduction, 15mn de causette "in english" le temps de se raconter nos périples et de parler à quelqu'un! Et encore un changement d'heure, une 3° journée de 25h... Youpie!!!

17° jour: le vent continue de baisser, il y a trop de vagues, pas assez de vent et de gros nuages menaçants et même sous  spi le bateau n'avance pas, il est ballotté dans tous les sens, pas le choix, enfin si mais à quelques heures de la Martinique nous n'avons pas le courage d'attendre un hypothétique retour du vent, tant pis pour le purisme, nous mettons le moteur à contre-coeur... Avant cette "cruelle" action, Caro en profite pour prendre un bain de mer... Un bout autour de la taille, une main sur la plage de bain et l'autre sur l'échelle, un masque pour guetter d'éventuels requins (on ne sait jamais!) elle prend un grand bol de "grand bleu" .... Trop chouette!!!
Les dernières heures se feront donc avec le bruit du moteur, il est vraiment temps d'arriver!!!
le mercredi 06 mars à 04h24 , après 17 jours et 18h nous jetons l'ancre dans la baie de Ste Anne histoire de profiter au réveil du sable blanc, des cocotiers et de notre premier bain Martiniquais!!!
Bravo à notre petit Mangaïa pour nous avoir amené jusqu'ici... 2162 miles pour la transat mais presque 5000 miles depuis notre départ de St- Tropez!!! Quant à nous nous sommes heureux (et fatigués!) de l'avoir faite cette sacro-sainte transat mais nous sommes encore plus ravis qu'elle soit terminée...

L'avis de Caro: Passés les 5 premiers jours d'adaptation, j'aime cette impression (et réalité!) d'être au milieu de nulle part, en dehors du Monde et de ses exigences... Même si les 10 premières minutes sont difficiles (mais pas plus qu'à terre!) ça ne me dérange pas plus que ça de prendre mon quart, j’apprécie d'être seule la nuit à la barre du bateau, ce sont des moments privilégiés où la perception des choses est différente... (Je dois avouer que les 25° extérieurs y sont pour quelque-chose, j'aime nettement moins les quarts de nuit quand il fait froid et qu'il faut évoluer avec 10 couches de vêtements sur le dos!!!)
Il est vrai que c'est monotone cette succession de nuits et de jours où l'on se raccroche à des points qui avancent sur une carte, mais ça permet d'apprécier des "petits riens" qui nous indiffèrent habituellement... Le point négatif dans une Transat à 2 c'est la fatigue et le manque de "temps libre" qui empêche de profiter pleinement de l'expérience et d'en éprouver du plaisir... Mais si l'occasion se présente, n'hésitez pas, essayez!!!

L'avis de Benoit : C’est long, c’est monotone, je ne sais pas combien de fois j’ai dit « mais pourquoi je n’ai pas pris l’avion?! »... Je me disais que j’allais me distraire en pêchant mais la aussi c’est monotone, beaucoup de coryphènes ou du gros voir du très gros poisson avec lequel on n'a même pas le temps de comprendre ce qu’il se passe, ça file et clac... plus de leurre (appât)!!! Nous avons pris un espadon mais pas moyen de le remonter à bord il s’est décroché au cul du bateau !! Les rencontres au milieu de l’atlantique ont été rares, cinq gros bateaux (plus de 150 mètres) croisés, certains de très prés au vu de l’immensité de l’océan... Imaginez-vous ne voir personne d’autre que votre équipière ou votre reflet (si vous avez de grands miroirs ce qui n'est pas notre cas!) pendant 10 jours et là soudain à quelque kilomètres un pétrolier surgi de l’horizon, une impression  de collision imminente mais contrairement à ce que l’on dit dans certaines sphères, les hommes de quart de ces géants des mers veillent! Certains prennent contact par vhf, d’autres dévient de leur route de quelques degrés, je ne me suis jamais senti menacé par eux...
En fait une transat « sur un petit bateau » c’est une grande expérience si vous êtes amoureux de la mer et si vous aimez faire du bateau, alors si vous êtes un peu fou et que c’est votre rêve n’hésitez pas lancez vous!!! 








Caroline, Frédéric, Océane, Jade et Tahaa qui nous souhaite une bonne traversée
        


Le hamac à légumes







Notre paille-en-queue

Drôle d'engin au milieu de l’atlantique et ça passe prés



passager clandestin

Enfin arrivés!